REM
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Avenue McGill-College, on croise le chantier abandonné du REM, le Réseau express métropolitain. Un labyrinthe de clôtures entoure une cicatrice d’asphalte à peine visible. Les installations créent des conduits étroits, qui canalisent le mouvement. J’ai l’impression que le centre-ville s’est resserré autour de moi comme un labyrinthe à la topographie variable. Un espace ni extérieur ni intérieur – un espace dirigé. Les promoteurs du projet doivent savoir comment je me sens. Sur des panneaux de toile, tendus entre les poteaux de clôture, figurent des projections optimistes. Des phrases pleines d’élan, chargées de statistiques encourageantes –
Du centre-ville à
l’aéroport en
VINGT MINUTES
– ou des extraits de la vie de bonhommes transparents, à leur aise dans des wagons vitrés, traversant un paysage de synthèse, en aller-retour entre Montréal et la Montérégie, le présent et l’avenir.
Il y a mieux à rêver pour me sortir de mon sentiment d’enfermement. Le REM – hommes de l’avenir, souvenez-vous-en ! – partage ses initiales avec Rapid eye movement, sommeil à ondes lentes, qui nous entraîne dans les grands fonds d’Onirie. Le nom seul du réseau suffit à m’enchanter. Sous le moiré des immeubles au grand souffle, à la pensée électrique, des trains sans conducteur, véloces comme l’avenir, suivant leur trajectoire des vergers de la Rive Sud à la Ligne de chaleur du centre-ville, s’enfonceront dans la nuit minérale de la montagne, balayant de leurs phares l’ancien tunnel des Deux-Montagnes, jusqu’aux parapets de brique jaune et au dôme cuivré de l’Université de Montréal, aux lointains de Côte-de-Liesse, puis à la plaine aéroportuaire. Cela dit, de tels systèmes de rail léger existent ailleurs depuis belle lurette. On pourrait certes se plaindre que l’avenir, à Montréal, est tard venu.
Peu importe. La ville, en attente de ses trains futurs, se retourne dans la chaleur, la patience d’un sommeil viral. Pour l’heure, je continue de franchir ses distances à pied, et en pensée, un pas dans le passé, l’autre dans l’espoir. Tant qu’il tient, il n’est jamais trop tard.