Angélus
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Un dermatologue, avec qui je discutais de mes orteils, m’a dit, il y a quelques années : « À votre âge, vous allez devenir plus sédentaire. » Je redoutais de le croire, ignorant que le monde allait en décider à ma place.
Aujourd’hui, perché à la fenêtre de mon appartement, je retrouve la sensation d’un petit jadis. Quand j’étais enfant, avide de chaque jour, mes jeux suivaient les humeurs du soleil et de la pluie. La météo, l’état de la lumière, précisaient la promesse du jour. Quand guettait l’ennui, que venait la plainte –
J’ai rrrien à faaaire
– mes parents me faisaient bouger de la fenêtre, me renvoyaient jouer dehors. La journée était rythmée par les retours du soleil, les repas du jour – déjeuner, dîner, souper, c’est comme ça qu’on dit en Amérique –, et les plages d’exploration qui les séparaient.
L’année virale nous a retrouvés postés à nos fenêtres, dans la peur plutôt que l’ennui : angoisse de mois passés à regarder le monde de l’extérieur, à se demander quelle foi peut nous rassurer. Aujourd’hui, je transporte dans ma poche un téléphone qui prétend compter mes pas. Le réseau est une forme structurée de la solitude. Les écrans relaient la lueur d’un rêve d’ordre suranné, un jour promis à s’éteindre comme la flamme d’une chandelle. Les interfaces fatiguent vite. À chaque fois que le climat m’y invite, je repars marcher dehors, réglé comme un métronome, soit, mais sans destination connue. Compter sur ça. La machine que j’ai en poche peut encore et encore égrener son chapelet de statistiques. J’ai autre chose à faire, ailleurs où aller. Et les chiffres n’épuisent pas la question. La somme des pas perdus pousse ailleurs, échevelle l’intervalle, avec une vivacité d’herbe folle.