Renard


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Il m’est arrivé de croiser, une nuit, dans un recoin de Fish Island, à Londres, un renard des villes. Je me souviens de son regard translucide, miroitant sous la carrosserie d’une voiture. De l’apparition fugace de son corps, dont je devinais la rousseur, contras­tant sur fond sombre. Il s’extrait de sa cachette, fige au milieu de la rue, levant une patte, la mine inquisi­tive, tournée vers moi, et je me sens trans­paraître dans ses pupilles. Puis il s’élance, d’un pas furtif, vers l’enlace­ment des ombres, s’engageant le long de corridors transparents, où il circule, invisi­ble à nos yeux.

Je n’ai jamais croisé le renard de Montréal. Cette apparition de Londres a pourtant installé en moi l’idée qu’ici aussi, il court les rues. Je le vois, coupant à travers les ruelles, remontant en catimini les pentes du centre-ville, pour s’éclipser dans la futaie du mont Royal ou les vallons de la nécropole.


Et je pense  :
Le siège de la conscience est caché s
ous une pierre ;
Renard seul sait où elle se trouve.
Il faut que je le rejoigne.



Si j’avais à élire un animal pour mes armoiries, ce serait lui. Il m’accueille­rait dans la parenté des ruses, me guide­­rait à travers le dédale de la ville virale, éclairant mes pas perdus de son regard opalescent, jusqu’au cœur du secret.